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Les mots de Marine contre l’image de Jean-Marie

Les mots de Marine contre l’image de Jean-Marie

http://owni.fr/2011/12/21/le-pen-marine-jean-marie-discours/

I – Présentation

Projet réalisé par Owni, sorti le 21 décembre 2011.

L’analyse des données des deux discours a été réalisée par Sylvain Lapoix, que nous avons interviewé, Claire Berthélémy et Birdie Sarominque. Cela s’inscrit dans une série de Data sémantique : le verbe en campagne. Sylvain Lapoix à également réalisé une analyse sémantique des discours de François Hollande ou encore Eva Joly. Il est journaliste politique,  a couvert la campagne présidentielle pour Marianne2.fr. Enquêteur sur Owni depuis septembre 2010, il s’occupe de l’écologie, énergie et des partis politiques.

Ce projet compare un discours de Jean Marie Le Pen à Valmy en septembre 2006 à celui prononcé par sa fille le 11 décembre 2011 à Metz.  Les deux discours ont  été prononcés pour les investitures des deux candidats aux présidentielles.

Nous avons choisi de présenter un projet complètement différent de ce que nous avons pu voir jusqu’à présent. On a choisi de se focaliser sur de l’analyse de mots ; on a choisi de la data sémantique. Ca a un nom spécifique : Text mining. Selon Wikipédia, c’est extraire des données d’un texte et les traiter informatiquement pour les analyser selon certains critères. Dans ce projet, aucune interactivité n’est à observer.

Pourquoi ce choix ? En découvrant ce projet nous avons apprécié son originalité. Quand on parle de data on pense plus à des chiffres qu’à des mots. Cet article est purement informatif. La période pré-présidentielle est très intéressante à analyser. Dans un moment où chaque discours, chaque mots prononcés dans la bouche de chaque candidat est disséqué par les médias, faire une analyse des mots utilisés par Marine Le Pen dans un discours comparé à celui de son père nous paraissait intéressant.

II – Analyse

L’article se base sur 4 graphiques et leurs conclusions. A chaque fois on compare les occurrences des verbes, substantifs et pronoms utilisés par Jean-Marie et Marine Le Pen.

La conclusion qu’en tire Owni  est que la confrontation de ces deux discours : « montre un abandon des diatribes personnelles et militaires d’un candidat accroché au passé, au profit d’un discours moins égocentrique mais plus critique d’une personnalité qui se présente comme active face à des défis plus européens que mondiaux ».

Le premier graphique s’intéresse à l’utilisation des pronoms par Jean-Marie et Marine Le Pen. Il permet de voir que si Jean Marie Le Pen était dans « l’autoréférence permanente », Marine Le Pen en revanche mentionne beaucoup plus souvent ses adversaires et opposants.

Le second graphique quant à lui, mentionne les verbes. Marine Le Pen est beaucoup plus dans l’action que son père, plus dans la promesse.

Dans la troisième partie de l’article, il n’y pas de graphiques mais on retrouve un état des lieux des expressions utilisées. Il montre que Jean-Marie Le Pen s’appuie sur des références historiques et militaires, exaltant le patriotisme chez ses partisans. Il se sert de la bataille de Valmy par exemple pour justifier ses propos, c’est une victoire du peuple par le peuple, qui permet de préserver l’indépendance de la France et les fruits de la Révolution.  Marine Le Pen quant à elle mentionne davantage les victimes (« Les oubliés, les jeunes et le chômage »). Elle utilise autant de fois le mot chômage que le mot nation.

La crise est passée par là, en effet l’Euro était totalement absent du discours de Jean-Marie en 2006 alors qu’il est le troisième substantif utilisé par Marine Le Pen.

Si le discours a changé, les destinataires restent les mêmes. Marine Le Pen, comme son père s’adresse d’abord à La France et aux Français.

III- Ce qu’en dit Sylvain Lapoix.

L’auteur met en exergue une autre manière de faire du journalisme politique avec ce type d’article. Il souhaitait s’écarter du traitement habituel.  «   Il y a cinq ans qui se sont passés entre ces deux discours, c’est cinq ans durant lesquels l’Union européenne à travers la crise de la dette, est devenue à la fois un outil de résolution mais aussi une cible pour son incompétence à résoudre la crise. Et du coup, ça surgit de façon beaucoup plus saillante qu’à une autre époque. » C’est sur ces points précis qu’ Owni a voulu se différencier et à voulu éviter un : «  traitement à la petite semaine ».

Il met en évidence que ce n’est pas tant la maîtrise des outils qui est délicate mais plus de passer une  frontière au niveau des conceptions du journalisme politique. « Ce qui veut dire qu’à un moment, le journaliste politique arrête de ramener trop sa science et de dire qu’il a tout compris juste grâce à sa super antenne de journaliste politique qui l’aide à aller chercher au plus profond de l’âme des candidats, mais qu’il se fie à des éléments de langage qui peuvent être discerner par tout le monde et qui sont accessibles à tous. » Sylvain Lapoix se place dans la continuité de la démarche d’Owni qui ouvre ses données et procède à des vérifications, à des recherches, à du fact-checking… « Concrètement, si quelqu’un écoute le discours intégral de Marine Le Pen et prend des notes sur un calepin à côté pour s’amuser à faire ce travail extrêmement fastidieux (qui consiste à compter chaque occurrence de chaque mot), il pourra arriver aux mêmes conclusions que nous. Parce qu’on continue de faire du journalisme quand même, dans le caractère de l’analyse de textes et de l’analyse d’intentions. Le seul truc c’est qu’on le fait avec des outils qui amènent à un recul et à une objectivation dont très peu de commentateurs politiques sont capables.  Du coup on peut donner à cette information  un relief vraiment politique et conclure à une analyse. »

Sylvain Lapoix revient sur les raisons qui l’ont conduit à choisir l’analyse sémantique. Selon lui, « le message est une donnée qui passe par des éléments émotionnels qui sont relatifs au ton, au rythme, à la façon dont on prononce le discours. Mais qui s’appuient sur les répétitions de certains termes, de certaines formules, de certains composés. Et puis aussi la fabrication d’un milieu de référence.  L’avantage de l’analyse sémantique, de mon point de vue, par rapport à ma petite expérience de journaliste politique, c’est que justement ça permet de s’écarter d’une analyse qui va beaucoup plus mettre l’accent sur un passage très précis du discours. » le discours de Marine le Pen est un discours très très construit avec évidemment des point d’orgue mais qui finalement ont toute une structure périphérique qui fait un propos. Un propos qui parfois est assez bien perçu par les analystes qui vont ressortir les bonnes phrases mais qui va se diffuser aux personnes qui l’ont entendu de façon presque subliminale. Pour reprendre l’exemple de Marine Le Pen, on s’est dit « on parle sans arrêt de la fille qui a assassiné le père. Est-ce qu’objectivement, en confrontant des discours en condition d’expression égale, de portée et de conditions politiques égales on se retrouve avec un propos qui est vraiment très différent ? ».

IV- Les retours de l’article

Beaucoup de personnes ont fait remarqué que sa démarche était une « dénaturation » dans la mesure où un discours est fait pour être prononcé et entendu. Certaines lui ont dit que ça ne marchait pas, parce que c’était non conventionnel. Ce n’était pas une technique habituelle d’analyse de discours et d’étude de la parole publique.

Cependant, l’article va plus loin que la simple éditorialisation. D’autres personnes lui ont communiqué leur grand intérêt envers cet article, en partie grâce aux résultats assez surprenants. Il existe une diversité entre les discours du père et de la fille.