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Les champions du Tour de France ont très souvent construit leur victoire dans les étapes de montagne. L’Alpe d’Huez, Courchevel, le Mont Ventoux, Avoriaz, Luz Ardiden, le Plateau de Beille et Hautacam sont les ascensions finales des Alpes ou des Pyrénées, longues de 13 km au minimum, que nous avons retenues. Les cyclistes, eux, ont été sélectionnés pour la richesse de leur palmarès et de leurs performances sur le Tour. Cette visualisation
permet de comparer les exploits de coureurs d’époques différentes sur le même terrain.
Les stars actuelles sont-elles meilleures que les champions des années 1980/1990 ? Certains exploits sont-ils surhumains
et douteux?
Les données sont calculées en watt par kilo, une unité de mesure pertinente pour calculer la puissance développée : elle prend en compte la différence de gabarit des cyclistes en ramenant leur poids à un modèle étalon de 78 Kg (coureur + vélo). Elle s’obtient en tenant compte de plusieurs
paramètres : le temps d’ascension, la distance de la montée, le poids du coureur et du vélo, la pente et la force du vent.
Le jeu de données utilisé a été fourni par Frédéric Portoleau, un ingénieur spécialisé dans l’analyse de la puissance des coureurs,
qu’il calcule en visionnant les étapes et les temps de passage dans les ascensions. Ces chiffres sont le fruit d'un long travail de calculs et appartiennent uniquement à leur propriétaire,
M. Portoleau. Pour cette raison ils n'ont pas été rendus libres d'accès.
L'avis de l'expert
Afin de mieux appréhender ce graphique, nous vous proposons ici cinq points clés de compréhension, fournies par Frédéric Portoleau.
I. Disparité des performances, d’un même coureur sur un même col, selon les années.
Elles s’expliquent par plusieurs facteurs. Le premier concerne les circonstances de course : elle peut être plus intense, certaines années, avant même l’arrivée du col final. Cela implique une plus grande fatigue pour grimper le col final et donc une puissance développée moins élevée.
Le classement général est également un facteur important. Si le coureur est concerné par ce classement il se dépensera plus qu’un coureur qui ne l’est pas. Les coureurs non concernés par le classement se réservent pour certaines étapes, et lorsqu’ils ne sont pas dans le coup pour une victoire d’étape ils préfèrent monter à une vitesse plus modérée.
Enfin le coureur peut aussi être amené à tricher certaines années.
II. Parallèle triche / puissances.
D’une manière générale on constate une forte augmentation des performances à partir du début des années 90. Cette évolution est très nette jusqu’en 1995 puis elle se stabilise en 1998. Depuis les performances sont en dents de scie.
Dans les années 90 l’augmentation des performances est corrélée avec l’arrivée du dopage sanguin et plus précisément de l’EPO. Cependant seuls quelques coureurs en profitent car tous ne maitrisent pas cette méthode de dopage. En quelques années la majorité d'entre eux apprennent à contourner les protocoles, si bien qu’en 1994 on constate une augmentation globale des performances car la plupart des équipes maitrisent désormais des techniques de triche.
A la fin des années 90 les performances se stabilisent. En 1997, la mise en place des contrôles sanguins, avec un taux d’hématocrite limité à 50%, va entraîner une baisse des puissances développées. En 1998, la fameuse affaire Festina éclabousse le Tour de France. En 1999, l’EPO recule même si certains cyclistes en auraient pris comme Lance Armstrong, selon le quotidien l’Equipe.
Quelques coureurs développent encore de fortes puissances mais une grosse partie du peloton a reculé en termes de performance.
Il faut attendre 2004 et 2005 pour que soit détecté les premières formes d’EPO. Depuis les performances se stabilisent.
III. Performances Extraordinaires.
Les performances exceptionnelles s’expliquent par un mélange de triche mais aussi de qualités naturelles et de la capacité du corps humain à assimiler les médicaments pris.
Indurain était capable de monter une pente à 10% en tirant 100 kg de bagages à 10km/h. On atteint là un sommet de la performance que l’on n’a plus aujourd’hui.
Marco Pantani avait une morphologie adaptée à la montagne. Cependant on ignore la part de ses qualités naturelles et on ne peut pas se prononce sur sa capacité à réaliser des exploits.
Lance Armstrong a lui connu une véritable transformation suite à son cancer. Dans les années 94/95 il était surtout considéré comme un coureur de classique, un puncheur. Il a d’ailleurs remporté la Flèche Wallonne et a été sacré champion du monde. Il a ensuite perdu du poids et a acquis une morphologie adaptée au tour, à un âge où un humain ne peut plus vraiment faire évoluer son corps. Contrairement à lui les champions du passé ont toujours montré des qualités naturelles pour le Tour de France assez jeune. Que ce soit Eddy Merckx, Hinault ou Anquetil, ils étaient tous performants dès 23 ans sur le Tour. Armstrong n’a été performant sur le Tour qu’après sa maladie et après avoir subi un long traitement.
IV. Une baisse générale des performances en 2011.
La baisse globale des performances constatée lors du Tour de France 2011 s‘explique par les circonstances de course. La dépense énergétique a été plus élevée, surtout dans les Alpes, en cours d’étape et non à la fin. Cela est dû aux choix tactiques des coureurs. Par exemple lors de l’étape du Galibier Andy Schleck a attaqué loin de l’arrivée. Le lendemain Contador et lui ont à nouveau attaqué dans les premiers kilomètres. Ce rythme soutenu a entraîné une fatigue générale des coureurs au moment d’aborder les derniers cols.
V. Prédictions Tour 2012.
Cette année les performances pourraient augmenter de nouveau. Plusieurs équipes auraient trouvé la parade au passeport sanguin pour tricher. D’après un membre australien de la commission antidopage de l‘UCI, une expérience réalisée par ces derniers montrerait qu‘on peut actuellement contourner encore aisément les contrôles anti-dopage.
Maintenant que vous avez les clés, c'est à votre Tour de jouer !